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Sur la conférence "Being Black in Luxembourg (et pourquoi il ne faut pas compter sur les décideur.se

Mercredi dernier s'est tenu un évènement que tou.tes les afrodescendant.es ayant une conscience politique attendaient avec impatience: la conférence "Being Black in Luxembourg", qui était sensée ouvrir le débat sur les résultats luxembourgeois de l'étude "Being Black in Europe" réalisée par la European Union Agency for Fondamental Rights et parue en 2018, en présence de son directeur Michael O'Flaherty. Cette étude montre des chiffres très préoccupants en ce qui concerne le racisme perçu au Luxembourg.


La nécessité d'une telle conférence ne peut être remise en cause, au vu des résultats de l'étude en question. La qualité des intervenant.es non plus. La présence d'Antonia et Mirlene était salutaire, même si l'on pouvait regretter la prévalence dans le panel de personnes qui ne subissent pas ces discriminations, en comparaison à celles qui en font l'expérience (une situation inimaginable dans les pays frontaliers à l'heure actuelle).

Mais qu'entend-on par "ouvrir le débat", et où ce débat est-il sensé nous mener? Serait-ce commencer à énumérer les actes racistes, inciter les victimes à porter plainte (avec toute la difficulté d'apporter des preuves recevables)? Augmenter le nombre de dossiers ouverts au CET (Centre pour l'égalité de traitement) pour discrimination raciale? Tirer les oreilles aux abruti.es qui osent encore commettre des actes ouvertement racistes, et consoler les victimes?

Qui pourrait croire que la solution est si simple? Le drame, c'est le fait que les organisations qui doivent défendre nos droits, dépendantes ou non de l'état, emploient toujours une définition du racisme qui n'a plus de sens aujourd'hui, selon laquelle le racisme serait une attitude moralement condamnable, isolée, facilement identifiable.

Au-delà de ces comportements, le racisme est d'abord une idéologie. C'est un système de pensée hérité des anciennes structures coloniales, qui persiste encore aujourd'hui sous une forme plus subtile. Quand on a intégré cet état de fait, on commence à se désintéresser de l'idéologie, du concept, pour partir de l'expérience: les discriminations raciales et leurs effets. C'est le grand tournant qui s'est effectué dans les années 1990.

Alors pourquoi les décideur.ses politiques en Europe n'adoptent-ils.elles pas cette vision? Parce que l'adopter forcerait à envisager des mesures concrètes permettant de lutter contre le racisme structurel sur le marché du travail, le logement, la santé, l'éducation, qui seules pourraient permettre de combattre le racisme institutionnel, celui qui rend la vie dure au quotidien à tou.tes les personnes qui y font face. Ce racisme plus subtile, discret, loin des agressions verbales ou physiques extrêmes.

L'adopter, ce serait d'abord tenter de répondre à la question: à qui profite le crime ? Qui a intérêt à diffuser les préjugés? À qui les discriminations donnent-elles des privilèges? La réponse est simple: le racisme institutionnel attribue des privilèges aux Blanc.hes, et les enlève à tou.tes celleux qui tombent dans la catégorie "non-blanc.hes". Alors comment lutter contre un phénomène quand les personnes qui en bénéficient ne s'en rendent même pas compte, puisque c'est la norme?

Voilà où on en est. Pour toutes ces raisons:

  • Le racisme anti-blanc.hes n'existe pas

  • On peut être antiraciste sans échapper à ces logiques sociales

  • On ne peut pas faire de l'antiracisme sans lutter en même temps contre le capitalisme. Le colonialisme et la traite transatlantique, qui sont des produits du système capitaliste, sont à l'origine des rapports de domination qui règnent dans nos sociétés

  • Il n'existe pas de socle universel qui permette de lutter en même temps contre le racisme et les autres formes de discriminations (même marxiste). On ne peut pas déconstruire des structures dont on nie l'existence.​

Espérons donc que les prochaines actions puissent "ouvrir le débat" aussi sur ces problématiques, et sortir d'une analyse superficielle d'un sujet d'une telle importance.


P.S.: ci-dessus une image qui aurait mieux convenu à un tel évènement... on ne combat pas des préjugés avec des stéréotypes.

Sandrine, 14/11/2019

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