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Projection-débat en ligne du film "Ech war am Congo"

Le 30 juin 2020 - À l'occasion de la commémoration du 60ème anniversaire de l'indépendance de la RDC, nous avons invité nos membres à discuter de la question de l'implication du Luxembourg dans la colonisation belge et les atrocités qui lui sont associées, avec notre invité, Narcisse Dovenon, archiviste au Centre de Documentation sur les Migrations Humaines, et auteur du livre « "Parcours et détours migratoires: Jusqu'au Grand-Duché du Luxembourg". En collaboration avec l'Asbl ACOLUX.

Entre 1880 et 1960, des centaines de Luxembourgeois sont allés s'installer au Congo belge, les uns pour quelque temps, les autres pour toujours. Le film évoque brièvement les grands repères chronologiques dans l'histoire du Congo belge mais l'essentiel du commentaire est fourni par huit de ces anciens coloniaux qui évoquent les souvenirs de leur séjour en Afrique, notamment dans les années 50. Ils racontent pourquoi ils sont partis, le voyage et le premier contact avec le Congo, leur travail dans la colonie, la vie de famille, les relations avec les Africains et finalement les révoltes et, pour la plupart d'entre eux, le départ précipité au moment de l'Indépendance. Les témoignages de ces huit personnes sont illustrés exclusivement par des images qu'eux-mêmes ou d'autres Luxembourgeois ont tournées au Congo dans les années 1950.

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"Au lieu d'un pardon, j'aurais voulu que cette histoire soit connue" Narcisse Dovenon

Narcisse Dovenon

Le débat commence par une discussion sur l’efficacité ou non des précautions qui ont entouré la sortie du film. La difficulté résidait dans le fait de ne pas utiliser les films de famille recueillis par le CNA à des fins politiques, et en même temps de ne pas glorifier la colonisation. Par exemple, les  images  dans  le documentaire  n’ont  pas  de  lien  direct avec  le  texte.  La  personne  qui  parle n’est  pas  celle  qui  a  filmé.  Les  images sont là en premier lieu pour illustrer les témoignages.

 

Un participant se demande si, puisque le Luxembourg a également été impliqué dans la colonisation du Congo belge, il ne devrait demander pardon pour les atrocités commises, à l’instar de la démarche du roi belge quelques jours auparavant.

La question de la responsabilité du Luxembourg est abordée. Il semble que le Luxembourg ne se soit pas engagé en tant qu’état, mais que ce soit uniquement des personnes individuelles qui soient parties au Congo. Mais la responsabilité morale n’est-elle pas aussi importante que la responsabilité juridique ?

 

Pour Narcisse, au lieu d’un pardon, il faudrait plutôt faire en sorte que cette histoire soit connue du public. Une participante ajoute que qu’en effet, même dans son enfance qui date de plusieurs dizaines années, on n’a jamais appris l’histoire des Noir.es, alors que les écoles sont sensées être faites de diversité. Le fait que cette injustice soit mentionnée par l’un des témoins du film est une bonne chose (« on est venus, on leur a appris notre histoire et on leur a fait oublier leur propre histoire »).

 

Pour Sandrine (Lëtz Rise Up), l’élan antiraciste actuel provoqué par la mort de George Floyd ainsi que le développement d’un antiracisme décolonial, sont une pression pour la diffusion et l’enseignement de l’histoire de la colonisation, pour comprendre l’actualité. Une participante fait remarquer l’absence de personnification des congolais dans le documentaire, mais seulement l’usage de pronoms généraux comme « les Noirs » ou « les indigènes », qui déshumanise les congolais.

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"Personne ne peut dire qu'après 6 millions de personnes exterminées il peut y avoir du bien" Jean-Paul Shungu

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Marissa Daruwalla Ovuo

Geranise Hurtis

Ensuite, la présence dans le film des idées qui forment l’idéologie colonialiste est abordée. Sandrine mentionne à la façon dont l’un des témoins justifie le transport à dos d’homme, « parce que ça nous aurait tué de faire le trajet à pieds », comme si la mission civilisatrice justifiait tout, même l’exploitation d’autres personnes. Il y a aussi comme une façon de justifier par la nature le rapport de domination qui existe au profit des Blancs et qui leur permet hommes d’ exploiter d’autres personnes. Il y a aussi la naturalisation de certains comportements observés chez les indigènes, considérés comme émanant de la nature même de l’indigène comme la servilité, alors qu’ils sont le résultat d’un conditionnement.

 

De quelle façon cette idéologie était-elle inculquée aux luxembourgeois ? Un participant relate la façon dont il a été faire des recherches à Bruxelles dans les archives sur la formation des candidats belges et luxembourgeois au départ pour le Congo. Les fiches d’inscription sont accessibles, mais pas le contenu des leçons. Quel était le conditionnement de ces personnes avant leur départ ? Quelle attitude était préconisée dans la relation aux indigènes ? Il est impossible de répondre à cette question à l’heure actuelle. Il ajoute qu’une connaissance de l’histoire de l’Afrique est importante pour pouvoir lutter contre le racisme dans le monde entier.

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"Les "évolués" c'était un système mis en place dans le cadre du colonialisme. C'est une discrimination faite entre les Noir.es, ce sont des "bons noirs" qui ont des bonne manières et qui peuvent accéder à certaines lieux. À la base, c'est un système de discrimination, je ne peux pas cautionner cela" Jean-Paul Shungu

Sandrine Gashonga

Une participante pose la question de ce que serait aujourd’hui la RDC sans le colonialisme.

Marissa (Lëtz Rise Up) propose de poser la question d’une autre façon, en se demandant plutôt quel niveau de richesse et de prospérité aurait acquis l’Occident sans le colonialisme.

 

Un participant dit avoir été choqué par les mots d’un témoin du film qui a dit « on se sentait libre au Congo ». Et les indigènes ? La discussion se porte ensuite sur les « bienfaits de la colonisation ». Le film est un témoignage sur « ce qu’il s’est passé » au Congo. Jean-Paul (ACOLUX) souligne qu'il s’agit ici des atrocités et des crimes commis sur des personnes qui n’avaient rien demandé, qu’il faut dénoncer. Il faut informer le public pour que ça ne se reproduise plus, le but c’est l’éducation.

 

Une participante intervient en posant une question sur la séparation par le colon entre les « évolués » et le reste des indigènes. Su quelle base était-elle faite ?

Une participante partage l’histoire de son grand-père, qui a évolué d’une situation de professeur pour les autres indigènes à chef de gare. Cette évolution était faite selon lui sur le critère de la façon dont les indigènes réagissaient à l’éducation qu’on leur donnait. Plus tard, cette position lui avait donné accès à des crédits à travers son poste de chef de gare. Les évolués étaient des personnes travailleuses qui ont eu la chance d’être « repérés » à tort ou à raison. Pour certaines personnes, plutôt dans les générations qui ont suivi, il y a eu des discriminations dans le sens où ils ont eu des difficultés à faire reconnaître leurs diplômes en Belgique.

Jean-Paul souligne la perversité du concept d’évolué, qui correspond à une discrimination entre ceux et celles que les Blancs considéraient comme acceptable, « civilisé » et les autres.

 

La question du déboulonnage des statues est abordée. Pour Narcisse, même si ça ne changera pas le passé, il n’est pas normal que ces statues restent érigées. Sandrine ajoute que le débat sur le déboulonnage permet aussi de discuter sur l’introduction de l’histoire coloniale dans les manuels scolaires. Jean-Paul ajoute que c’est la personne de Léopold II qui est en question : comment le qualifie-t-on ? Pourrait-on laisser érigées des statues d’Hitler ?

 

La soirée s’achève par la présentation par Narcisse de son ouvrage.

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